Intenter une poursuite civile et y participer coûte cher et prend du temps, et certaines personnes trouvent ça traumatisant. Si vous songez à le faire, nous vous encourageons à consulter d’abord un avocat.
Premièrement, définissons ce que nous entendons par intenter une poursuite.
Dans le présent article, nous ne parlons pas de déposer une plainte auprès d’une commission des droits de la personne, de déposer un grief par l’entremise de votre syndicat ou de faire un signalement officiel à votre employeur.
Ce dont nous parlons ici, c’est d’intenter—ou de menacer d’intenter—une poursuite civile.
Qu’est-ce qu’une poursuite civile?
Dans un tribunal civil, les cas sont aussi appelés demandes, poursuites ou simplement « litiges » (ce qui signifie intenter une poursuite). Il s’agit de conflits privés entre des personnes ou des entreprises. Ça signifie qu’il n’y a pas d’enquête policière, pas d’avocat de la Couronne et pas d’implication de la part d’un tribunal ou d’un organisme lié, par exemple, aux droits de la personne.
Contrairement à un tribunal lié aux droits de la personne ou à l’indemnisation des travailleurs, ou à un tribunal pénal, personne ne fait enquête sur l’affaire—vous et votre avocat devez recueillir et présenter vous-mêmes tous vos éléments de preuve. Et l’autre partie a aussi l’occasion de présenter ses preuves.
Vous devez prouver chacun des faits selon la prépondérance des probabilités. Cette norme en matière de preuve est moins élevée que dans une affaire criminelle. La prépondérance des probabilités signifie que vous devez prouver qu’il est plus probable qu’improbable que le harcèlement ait eu lieu et que le harcèlement répond aux critères juridiques pour votre type de cas. Dans les cas de harcèlement sexuel, il s’agit souvent de votre parole contre celle des défendeurs, et le juge décidera qui croire.
La plupart des poursuites civiles ont un délai de limitation de deux ans. Mais pour les crimes considérés comme des affaires criminelles graves, il n’y a pas de limite. L’agression sexuelle fait partie de cette catégorie.
Pourquoi quelqu’un intenterait-il une poursuite civile?
La raison principale est l’argent.
Personne ne peut revenir dans le temps et changer ce qui vous est arrivé. Mais si une personne vous a causé du tort, la prémisse du système judiciaire est que, dans certaines circonstances, cette personne peut être forcée de vous donner de l’argent pour compenser.
Il y a d’autres raisons pour intenter une poursuite. Vous pourriez vouloir que l’on ordonne au harceleur de cesser de vous harceler. Vous pourriez vouloir qu’il y ait un compte rendu public permanent de ce qui s’est passé. Ça pourrait être important qu’un juge tranche en votre faveur. Vous pourriez vouloir éviter que la même chose arrive à quelqu’un d’autre.
Mais la raison principale pour laquelle les gens intentent des poursuites, et l’avantage principal de ces poursuites, c’est l’argent. C’est aussi simple que ça.
Pourquoi les gens n’intentent-ils pas de poursuites civiles?
La plupart des gens qui sont harcelés n’intentent pas de poursuites.
Il n’y a aucun moyen de savoir avec certitude combien le font. Mais les recherches indiquent que la plupart des gens qui ont été harcelés ne prennent aucune mesure officielle. Moins de la moitié d’entre eux signalent ce qui s’est passé à leur employeur. Nous estimons que moins de 1 % d’entre eux intentent des poursuites.
Pourquoi les gens n’intentent-ils pas de poursuites? Il y a probablement trois raisons principales:
- Ils ne sont pas certains d’avoir des bases juridiques solides pour présenter une demande, alors ils ne savent pas quelles sont les chances de succès de leur cas.
- Ils pensent qu’une poursuite en justice prendrait trop de temps, coûterait trop cher et serait trop risquée.
- Ils pensent que ce serait désagréable, et ils préfèrent mettre tout ça derrière eux et passer à autre chose.
Ce sont de bonnes raisons.
Les chercheurs disent qu’une poursuite au civil peut être très mauvaise pour la santé mentale de la personne qui l’intente. L’affaire peut prendre des années, et pendant ce temps, la personne qui a lancé la poursuite doit raconter son histoire encore et encore, notamment devant les avocats de l’autre partie, qui tenteront de la faire mal paraître. Les chercheurs affirment que ça peut garder les gens coincés dans le passé et les empêcher de guérir et d’aller de l’avant.
Il est aussi vrai que poursuivre une cause en justice peut coûter très cher. Certaines personnes finissent par dépenser des dizaines de milliers de dollars, voire des centaines de milliers de dollars. Si vous n’avez pas cet argent, il peut même être difficile d’imaginer intenter une poursuite au civil. Toutefois, si un avocat pense que vous avez une chance de gagner, il pourrait accepter sur la base d’honoraires conditionnels, ce qui signifie qu’il ne sera payé que si vous gagnez.
Mais voici quelque chose que vous devez savoir.
Ce n’est pas parce que vous intentez une poursuite que vous vous engagez dans un processus long et coûteux. Presque aucune affaire ne se rend jusqu’au procès, et il y a beaucoup d’occasions pour vous d’arriver à un accord ou de vous retirer en cours de route.
- Si vous menacez d’intenter une poursuite en envoyant à votre employeur ce qu’on appelle une mise en demeure, il est possible qu’il s’entende avec vous immédiatement. Dans ce cas, votre seule dépense est le coût de la mise en demeure elle-même, plus toute négociation qui pourrait y avoir par la suite.
- Si vous intentez une poursuite civile contre le harceleur ou votre employeur, il est possible qu’elle soit réglée avant le procès. Au Canada, 98 % des cas au civil sont réglés ou abandonnés avant même d’aller en procès. L’abandon est un mauvais résultat pour vous (ça signifie que vous avez laissé tomber), mais un règlement peut être excellent.
- Vous pourriez choisir de présenter une demande devant la Cour des petites créances plutôt que devant un tribunal civil ordinaire. L’inconvénient de la Cour des petites créances, c’est que les montants accordés sont moins élevés. Mais l’avantage, c’est que le processus est plus court et plus simple, et vous pourriez peut-être le faire vous-même, sans même avoir besoin d’un avocat.
Si vous pensez avoir des arguments juridiques, même si vous êtes à peu près certain de ne pas vouloir aller jusqu’au procès, vous devriez sérieusement envisager de parler à un avocat.
Vous pouvez habituellement obtenir une courte consultation gratuite. Un avocat peut vous aider à déterminer la solidité de votre cas et le plan d’action qui pourrait vous convenir.
Si j’intente une poursuite, que pourrais-je obtenir?
Vous pouvez régler votre cas pour n’importe quelle somme que votre adversaire est prêt à offrir et que vous êtes prêt à accepter. Ou, si vous allez en procès et que vous gagnez, le juge décidera combien d’argent vous allez recevoir.
Habituellement, les montants sont calculés en fonction du salaire perdu ou des dépenses, des coûts des traitements médicaux ainsi que du tort causé à votre bien-être, ce qu’on appelle les dommages-intérêts généraux. À l’occasion, les montants comprennent aussi des dommages-intérêts punitifs visant à punir l’autre partie.
Vous avez probablement vu des articles dans les journaux au sujet de gens aux États-Unis qui ont reçu des millions de dollars. Ce n’est pas comme ça au Canada. Ici, une somme de 200 000 $ est considérée comme beaucoup, et il est très improbable que vous en obteniez autant.
Combien ça coûte, intenter une poursuite?
Vous devrez payer votre propre avocat, ainsi que tout personnel de soutien dont il dispose, par exemple, s’il fait appel à un parajuriste pour l’aider. Les avocats facturent habituellement à l’heure, et ils vous factureront pour tout ce qu’ils font: pour tout le temps qu’ils consacrent à la préparation de votre dossier—vous parler, lire des documents, écrire des lettres, communiquer avec les avocats de l’autre partie et interroger des témoins.
Vous devrez également payer tous les frais engagés par votre avocat en votre nom, comme les frais de dépôt de documents, les honoraires d’experts, ou les frais d’obtention de transcriptions ou de photocopies.
- Si votre avocat finit par juste rédiger une seule lettre pour vous, ça pourrait coûter aussi peu que quelques centaines de dollars.
- Si votre cause se rend jusqu’au procès, ça coûtera probablement des milliers de dollars, et si vous devez faire appel, ce pourrait être beaucoup plus.
Si vous allez jusqu’au procès et que vous gagnez, le juge va faire payer une partie de vos frais judiciaires à l’autre partie. Mais si vous perdez, le juge vous fera payer une partie des frais judiciaires de l’autre partie.
Pourquoi pourrais-je intenter une poursuite ou menacer de le faire?
Vous ne pouvez pas intenter une poursuite pour la seule raison que vous avez été harcelé sexuellement. Ce n’est pas une demande que les tribunaux civils accepteront. Vous avez plutôt deux principales façons de présenter une demande.
Votre employeur a réagi au harcèlement d’une manière qui allait à l’encontre de votre contrat de travail.
C’est ce qu’on appelle un congédiement injustifié ou déguisé.
Un congédiement injustifié signifie que vous avez été congédié sans motif valable—sans raison valable, ou sans avoir reçu un préavis raisonnable ou une indemnité au lieu d’un préavis. Si vous avez été congédié parce que votre employeur voulait se débarrasser de vous plutôt que de mettre fin au harcèlement, vous pourriez être en mesure de poursuivre votre employeur pour congédiement injustifié.
Le congédiement déguisé signifie que même si votre employeur ne vous a pas littéralement congédié, il vous a effectivement congédié en apportant des changements si importants à votre travail que vous auriez tout aussi bien pu être congédié. Les types de changement qui comptent comme un congédiement déguisé comprennent des choses comme une réduction de vos heures de travail, un changement dans votre affectation de travail, une réduction de salaire, une rétrogradation ou une suspension. Si votre employeur a fait un changement qui ressemble à ça plutôt que de s’occuper du harcèlement sexuel, vous pourriez être en mesure de le poursuivre pour congédiement déguisé.
Le congédiement déguisé peut également comprendre des choses que votre employeur n’a pas faites. Votre employeur a l’obligation de vous offrir un milieu de travail exempt de harcèlement et de discrimination. Si vous signalez un cas de harcèlement et que votre employeur ne s’en occupe pas, vous pourriez avoir un cas de congédiement déguisé pour cette raison.
Le harcèlement vous a causé du tort.
C’est ce qu’on appelle un délit civil, ce qui signifie qu’il s’agit d’une demande qui est acceptée par un tribunal civil. Les délits civils qui s’appliquent au harcèlement sexuel comprennent les actes de violence, l’infliction intentionnelle de souffrances mentales et la négligence.
Si vous voulez intenter des poursuites pour les torts que vous avez subis à cause du harcèlement, ce serait un délit civil. Voici les délits civils qui s’appliquent le plus souvent au harcèlement sexuel:
- Un acte de violence est une interférence directe, intentionnelle et physique avec votre corps qui est nuisible ou offensante. Ce délit protège votre autonomie personnelle et physique. Si vous intentez une poursuite pour cette raison, vous pourriez poursuivre le harceleur ou votre employeur si le harceleur est un cadre supérieur de l’entreprise.
- L’infliction intentionnelle de souffrances mentales reconnaît que le tort n’est peut-être pas physique, mais que, néanmoins, le harceleur vous a délibérément blessé. Pour ce genre de poursuite, il faut prouver que le harceleur voulait causer du tort et prouver la maladie ou les symptômes qui en ont résulté. Si vous intentez une poursuite pour cette raison, vous poursuivez le harceleur ou votre employeur si le harceleur est un cadre supérieur de l’entreprise.
- La négligence signifie que votre employeur n’a pas respecté la norme de diligence dont une personne raisonnable aurait fait preuve dans la situation. Dans un cas de harcèlement, il pourrait s’agir d’une allégation selon laquelle l’employeur avait le devoir de vous protéger du tort causé par le harceleur, et qu’il n’a pas respecté ce devoir. Ça pourrait aussi être que votre employeur était au courant de la conduite d’un harceleur, mais qu’il l’a ignorée. Dans ce genre de cas, c’est votre employeur qui serait poursuivi, pas le harceleur.
Les avocats qui se spécialisent dans les cas de harcèlement sexuel trouvent souvent de nouvelles façons de demander au tribunal d’entendre les cas de harcèlement sexuel. Un avocat vous aidera à déterminer le type de poursuite civile qui convient à votre situation.
Quels sont les risques d’intenter une poursuite?
Les poursuites sont difficiles, et si vous poursuivez le harceleur ou votre employeur, il peut décider que vous êtes son ennemi et essayer de vous blesser ou de nuire à votre carrière.
Le harceleur peut vous dénigrer auprès d’autres gens ou essayer de vous blesser physiquement ou vous être hostile d’une autre façon.
Si vous travaillez toujours pour votre employeur, ce dernier pourrait essayer de vous punir ou de vous congédier. C’est ce qu’on appelle des représailles, et c’est illégal. Votre employeur pourrait aussi parler négativement de vous à d’autres personnes, ou refuser de vous donner une bonne référence ou rendre votre vie désagréable d’une autre façon.
Les poursuites sont publiques, ce qui signifie que les gens vont connaître votre vie privée.
Les tribunaux sont ouverts au public, ce qui signifie que n’importe qui peut avoir accès aux documents liés au cas et s’asseoir dans la salle d’audience et regarder le procès. Une fois qu’une décision aura été prise, elle figurera sur des sites Web publics.
Ça signifie que les renseignements personnels à votre sujet—qui pourraient comprendre, par exemple, des renseignements sur votre salaire, les médicaments que vous prenez, les diagnostics médicaux que vous avez reçus et les choses que vous avez dites et faites—seront accessibles à tout le monde. Si vous voulez voir le genre de renseignements qui finissent par être publiés, vous pouvez lire des décisions des tribunaux:
- Pawlett v. Dominion Protection Services Ltd
- King vs Skylink Financial Advisors
- Cooke vs HTS Engineering Ltd
- Colistro vs Tbaytel, The Corporation of the City of Thunder Bay and Steve Benoit
- Lancia v Park Dentistry Professional Corporation
Vous pourriez être en mesure d’utiliser un pseudonyme si vous pouvez démontrer qu’il y a une bonne raison de le faire, c’est-à-dire que votre santé mentale pourrait souffrir ou que vous pourriez ne pas intenter de poursuite si vous deviez rendre la chose publique.
Les poursuites sont coûteuses, et le harceleur ou votre employeur pourrait délibérément se comporter d’une façon qui augmentera vos dépenses.
De nombreux défendeurs utilisent des tactiques pour retarder ou prolonger une affaire, comme le dépôt de requêtes, la demande de beaucoup de documents supplémentaires, le refus de remettre leurs documents et le changement d’avocat. Il peut s’agir de mesures stratégiques pour faire augmenter vos frais judiciaires afin que vous régliez votre affaire ou la laissiez tomber complètement. C’est ce qu’on appelle de l’intimidation devant les tribunaux—c’est très difficile à gérer et ça ajoute du stress et des coûts supplémentaires.
Le harceleur ou votre employeur pourrait vous poursuivre pour diffamation, ce qui pourrait également faire augmenter vos frais judiciaires.
Si vous poursuivez votre employeur ou le harceleur, il pourrait intenter sa propre poursuite contre vous pour diffamation en disant que vos allégations sont fausses et nuisent à sa réputation, ou causent des pertes d’activité ou d’autres dommages financiers. Se défendre contre une poursuite pour diffamation est un tout autre processus qui augmentera vos frais judiciaires et votre stress, même si ce pour quoi vous êtes poursuivi n’est pas vrai.
Vous n’obtiendrez peut-être rien à la fin.
Il est tout à fait possible que vous passiez par un processus judiciaire long et coûteux, et qu’en fin de compte… vous perdiez. Vous pourriez finir par consacrer énormément de temps et d’argent au processus et avoir à payer les frais judiciaires de l’autre partie. Même si vous gagnez, un harceleur pourrait ne pas avoir d’argent pour vous payer. Vous pourriez finir par être traumatisé en raison de toute cette expérience et ne rien en tirer.
À quoi vous attendre si vous intentez une poursuite au civil
Si vous espérez parvenir à un règlement, il est très probable que l’autre partie insistera pour que vous acceptiez de signer une entente de non-divulgation, qui vous interdira de parler de ce qui s’est passé. Si vous pensez que vous n’êtes pas prêt à signer une entente de non-divulgation, il est important de le dire à votre avocat le plus tôt possible, car ça pourrait changer votre stratégie juridique.
La première étape consiste à trouver un avocat et à déterminer avec lui qui vous ciblez dans le cadre de votre action en justice, et pour quelles raisons.
Une fois que vous aurez réglé ça, votre avocat pourrait vous conseiller de commencer par une mise en demeure dans l’espoir que vous puissiez parvenir à un règlement sans avoir à lancer une action en justice officielle.
Si la mise en demeure ne fonctionne pas, vous devrez décider s’il y a lieu d’intenter une poursuite. Si c’est le cas, voici comment ça fonctionne.
Votre avocat rédigera une déclaration dans laquelle il décrira ce qui s’est passé et expliquera en quoi ça répond aux critères juridiques. Votre avocat déposera cette déclaration auprès du tribunal et en enverra des copies à toutes les personnes poursuivies. Ces personnes sont appelées défendeurs parce qu’elles doivent présenter une défense à votre demande.
Les défendeurs déposeront ensuite une défense décrivant les faits qui, selon eux, sont importants pour l’affaire et répondront à votre demande. Ils vous enverront leur défense, ce qu’on appelle aussi vous servir une demande ou service.
Ces deux documents sont appelés les actes de procédure. Une fois qu’ils ont été déposés, les parties entament un processus appelé interrogatoire préalable.
L’interrogatoire préalable est comme un pré-procès, bien qu’il ne se déroule pas dans une salle d’audience. Il s’agit d’un interrogatoire oral enregistré par un sténographe judiciaire durant lequel vous et le défendeur révélez toute preuve liée à l’affaire, même si ça nuit à votre cause. L’avocat du défendeur vous interrogera et vous posera des questions pertinentes; votre avocat interrogera le défendeur. Les avocats auront déjà échangé les documents qu’ils utilisent pour soutenir leurs arguments et ils pourront poser des questions en fonction de ces documents. Les renseignements inscrits dans la transcription de l’interrogatoire préalable peuvent être utilisés durant le procès. Le processus d’interrogatoire préalable peut prendre des mois, voire des années, selon la quantité de preuves à présenter.
À ce stade, votre avocat pourra vous donner des conseils sur la solidité de votre dossier. Il est également commun, à ce stade-ci, que les parties décident d’essayer de parvenir à un règlement par la médiation, plutôt que de se rendre jusque devant le tribunal.
Pendant le processus de médiation, vous et l’autre partie pourriez être tenus de signer une entente de non-divulgation. Cette entente s’applique seulement aux discussions pendant la médiation. Toute admission ou offre faite à ce moment-là ne peut pas être répétée lors d’une audience ultérieure ni faire l’objet de discussions publiques. Ce n’est pas une interdiction à long terme dans le cadre d’un règlement; c’est un outil pour créer une période de discussion ouverte pendant la médiation.
Ici, vous pourriez en arriver à un règlement. Votre avocat vous aidera à décider si vous l’acceptez ou non. Il ne peut pas vous dire quoi faire, mais il peut vous aider à comprendre vos options.
Si vous ne parvenez pas à un règlement, l’affaire passe au procès.
Au cours d’un procès, un juge supervise la salle d’audience. Il peut décider de l’affaire, ou vous ou le défendeur pouvez demander un procès devant jury. Vous devrez prouver chaque aspect de votre demande. Vous pouvez apporter des preuves—des témoins ou des documents—pour prouver chaque fait. Le harceleur ou l’employeur pourra également présenter ses propres preuves pour appuyer sa version des faits. Chaque partie peut contre-interroger les témoins que l’autre partie convoque. Le juge ou le jury entend toute la preuve et les arguments juridiques des avocats avant de prendre une décision.
Souvent, le juge entendra d’abord la preuve au sujet des faits et décidera si le harcèlement s’est produit ou non et, s’il décide que le harcèlement a eu lieu, il décidera combien d’argent vous recevrez. (C’est ce qu’on appelle accorder des dommages-intérêts.) Ça peut prendre des semaines, voire des mois, selon la complexité de l’affaire. Si le procès est entendu par un jury, la décision sera prise immédiatement.
Il y a des choses que le juge ou le jury ne peut pas faire. Ils ne peuvent pas ordonner à votre employeur de congédier le harceleur, de vous redonner votre emploi, de forcer le harceleur à présenter des excuses ou obliger votre employeur à mettre en œuvre des politiques précises. Si vous voulez ce genre de recours, un organisme des droits de la personne est un meilleur choix.
En quoi la Cour des petites créances diffère-t-elle du tribunal civil?
La Cour des petites créances est une façon un peu plus simple et rapide de régler légalement les petites poursuites. Le montant exact que vous pourriez recevoir de la Cour des petites créances varie d’une province à l’autre; le maximum varie entre 15 000 $ et 50 000 $. Si vous voulez demander des dommages-intérêts inférieurs à cette limite, vous pouvez intenter une poursuite pour petites créances. Le processus est un peu moins compliqué et vous pouvez soit vous représenter vous-même, soit, si vous vivez en Ontario, engager un parajuriste.
Étant donné qu’il y a des limites aux sommes d’argent accordées par la Cour des petites créances, ça signifie que vous ne risquez pas d’avoir à verser une somme d’argent aussi importante à l’autre partie si vous perdez votre cause. La Cour des petites créances n’accorde pas de somme d’argent pour le temps que vous passez à vous représenter vous-même—seulement pour le montant que vous payez à un avocat, et parfois aussi pour les frais du dépôt de votre demande.
Vous pourriez aussi avoir recours à la Cour des petites créances si vous obtenez une indemnité de la part d’un organisme des droits de la personne ou d’un comité du travail, mais que le harceleur n’a pas payé. Si le montant total est inférieur au plafond des petites créances dans votre province ou territoire, vous pouvez intenter une poursuite pour le forcer à payer. Avant de le faire, même dans le cas des petites créances, essayez d’envoyer d’abord une mise en demeure. Vous pouvez payer un avocat afin qu’il l’écrive pour vous—une heure ou deux d’aide juridique pour envoyer une mise en demeure pourrait être un bon investissement.
À quoi s’attendre à la fin
Recueillir l’argent
Si vous acceptez un règlement ou que vous gagnez au procès, ce sera à vous de recueillir l’argent.
Si vous arrivez à un règlement, c’est habituellement facile. Dans ce cas, l’autre partie a accepté de vous payer un certain montant, et habituellement, elle le fera assez rapidement.
Cependant, si vous gagnez au procès, il sera peut-être plus difficile de recueillir l’argent. Vous pouvez commencer par envoyer une mise en demeure pour rappeler le jugement à la partie. S’ils ne paient pas, vous pouvez retourner devant le tribunal et lui demander de les forcer à payer. Il s’agit d’un autre processus judiciaire qui prendra plus de temps et qui vous coûtera plus d’argent.
Confidentialité versus publicité
Si vous parvenez à un règlement, l’autre partie insistera presque toujours pour que vous signiez une entente de non-divulgation. (À moins que vous viviez à l’Île-du-Prince-Édouard. En 2022, l’Île-du-Prince-Édouard est devenue la première administration au Canada à interdire les ententes de non-divulgation dans les cas d’inconduite sexuelle, de harcèlement et de discrimination, à moins que la personne touchée ne choisisse d’en signer une.)
Une entente de non-divulgation peut sembler être un détail sans importance, mais ce n’est pas le cas. C’est un accord juridique contraignant, et si vous la signez, vous serez obligé de respecter ce qu’elle dit. Si vous ne le faites pas, vous pourriez devoir rembourser l’argent que vous avez reçu dans le cadre du règlement, ou vous pourriez être poursuivi et forcé de payer encore plus d’argent.
Certaines personnes sont heureuses de signer une entente de non-divulgation parce qu’elles n’ont pas l’intention d’informer qui que ce soit de ce qui leur est arrivé de toute façon. D’autres préféreraient aller en procès plutôt que d’accepter un règlement qui exige une entente de non-divulgation.
Il n’est pas rare qu’une personne signe une entente de non-divulgation et qu’elle finisse par le regretter des années ou même des décennies plus tard.
Parfois, les gens se rendent compte plus tard qu’ils doivent parler publiquement de leur expérience afin de la traiter et d’en guérir.
Ou ils apprennent que les circonstances dans lesquelles ils ont signé l’accord n’étaient pas exactement comme ils le pensaient à l’époque. Par exemple, beaucoup de gens signent une entente de non-divulgation en supposant que leur harcèlement était un incident isolé, mais certains découvrent plus tard que le harceleur harcelait en fait beaucoup de gens. Ils voudront peut-être parler pour soutenir d’autres personnes qui ont été harcelées, et regretteront d’avoir signé une entente qui dit qu’ils ne peuvent pas le faire.
Vous pouvez lire des histoires de gens qui ont signé des ententes de confidentialité sur ce site Web qui se bat pour l’interdiction de ce genre d’entente au Canada.
Si vous êtes prêt à signer une entente de non-divulgation, c’est une bonne idée de penser à des gens avec qui vous pourriez vouloir discuter de votre cas—comme votre partenaire ou un autre membre de votre famille ou un ami, un thérapeute, un professionnel de la santé, la police ou toute autre autorité. Si c’est le cas, vous devriez vous assurer que votre avocat le sait, afin qu’il puisse s’assurer que l’entente de non-divulgation le permet. Vous devriez aussi vous assurer de savoir si ces gens ont le droit de le dire à d’autres personnes.
Si vous envisagez de signer une entente de non-divulgation, discutez-en d’abord en détail avec votre avocat. Il peut vous aider à comprendre les conditions et à décider si vous êtes prêt à les accepter, et il peut aussi négocier des changements.
Si votre affaire est portée devant les tribunaux, c’est plus simple. Une fois qu’une décision a été rendue, elle sera affichée sur des sites Web publics consultables. Le juge peut anonymiser la décision en utilisant seulement vos initiales plutôt que votre nom complet. Vous pourriez être en mesure de le faire si vous pouvez démontrer que vous souffririez de blessures psychologiques si vous étiez publiquement identifié.
Alors, est-ce que je devrais le faire?
Il n’y a pas qu’une seule bonne réponse.
Ça dépend des faits liés à votre cas. Ça dépend de qui est le harceleur et de qui est votre employeur. Ça dépend de l’effort et de l’argent que vous êtes prêt à dépenser. Tout dépend si vous pouvez ou non vous permettre de devenir l’ennemi du harceleur et de votre employeur. Ça dépend d’à quel point vous êtes susceptible de trouver l’expérience stressante et si le stress en vaut la peine.
C’est pourquoi nous vous encourageons fortement à consulter un avocat. L’avocat écoutera votre histoire et vous aidera à comprendre ce qui, dans vos circonstances particulières, est possible et réaliste.