Ceci n’est pas un avis juridique! Ce que vous avez ici, ce sont juste des renseignements juridiques généraux. Ça ne remplace pas les conseils d’un avocat au sujet de votre situation particulière. Si vous avez besoin d’un avis juridique, nous vous encourageons à trouver un avocat qui peut vous aider.
La première chose que vous devez savoir, c’est qu’il est incroyablement courant que des gens qui se plaignent d’avoir été harcelés sexuellement soient punis pour l’avoir fait, à la fois par leur employeur et par leurs collègues. Si vous soupçonnez d’être puni parce que vous vous êtes plaint, vous avez presque certainement raison.
Parlons de pourquoi la punition se produit et à quoi elle ressemble.
Lorsque vous vous plaignez d’avoir été harcelé sexuellement, vous pouvez vous attendre à ce que les gens éprouvent de la pitié pour vous et veuillent vous aider. Mais, ce n’est pas ce qui arrive habituellement. Ce qui est plus commun, disent les chercheurs, c’est que vous finissez par être considéré comme responsable de la situation.
Ça se produit parce que les gens comprennent mal le problème. Le vrai problème, bien sûr, c’est le harcèlement, ce qui signifie que la personne responsable du problème est le harceleur. Mais quand une plainte pour harcèlement est déposée, les gens commencent à se comporter comme si le problème était en fait la plainte. Ce qui les amène à vous considérer comme responsable de la situation.
Pourquoi ça arrive?
- Les superviseurs sont souvent mal à l’aise face aux plaintes de harcèlement sexuel, parce que les plaintes de harcèlement sexuel sont délicates sur le plan légal et… eh bien, malaisantes. Souvent, la personne à qui vous en parlez verra votre plainte comme un fardeau parce que cela signifie plus de travail pour elle, et c’est un travail qui est désagréable et difficile.
- Parfois, votre employeur a peur de la personne qui vous a harcelé, ou est ami avec elle, ou pense que cette personne est plus utile dans le milieu de travail que vous l’êtes. Si c’est le cas, votre employeur pourrait vous en vouloir de vous être plaint.
- Les gens (surtout les hommes) sympathisent souvent avec le harceleur et s’inquiètent de sa réputation ou de sa capacité à gagner sa vie. Ces gens peuvent penser que c’est irresponsable ou méchant de votre part de vous plaindre.
- Le harceleur dira souvent que vous l’avez mal compris ou que vous faites tout un plat pour pas grand-chose. S’il n’y a pas de témoins (et il n’y en a habituellement pas), cela devient une situation difficile où c’est sa parole contre la vôtre. Il est courant que les gens au travail prennent parti et se disputent au sujet de ce qui s’est passé. Ça peut être très dérangeant, et on peut vous tenir responsable de ça.
- Les gens peuvent décider que vous êtes une drama queen, un menteur ou que vous êtes frustré. C’est encore plus probable si vous êtes une personne racialisée, Autochtone, 2SLGBTQIA+, jeune, ou nouvelle dans le milieu de travail.
- Il est assez courant que les plaintes de harcèlement obligent tout le monde à suivre une formation sur le harcèlement sexuel. Beaucoup de gens pensent que c’est une perte de temps et vous reprocheront ça.
- Plus votre processus de plainte prend du temps (même si sa lenteur n’a rien à voir avec vous), plus il est probable que les gens décideront que vous êtes impossible à satisfaire.
- Si vous souffrez, les gens se sentiront peut-être coupables de ne pas vous aider, ce qui pourrait faire en sorte qu’ils se mettent à ne pas vous aimer.
Alors, à quoi ressemble une punition dans la pratique?
Même si vous ne savez pas ce qu’on dit de vous, même si vous ne savez pas qui dit quoi, vous pouvez sentir ce qui se dit dans la façon dont les gens réagissent par rapport à vous, vous parlent, s’adressent à vous, dans les regards à la dérobée, dans la façon dont ils vous laissent tomber, les invitations que vous ne recevez plus, dans la façon dont vous êtes exclu des textos, dans la façon dont ils cessent de faire référence à votre travail, dans la façon dont ils se détournent lorsque vous arrivez.
Sara Ahmed, Complaint!
Ça prend de nombreuses formes. Parfois, c’est très subtil, et parfois, ça ne l’est pas. Voici quelques façons courantes dont les gens sont punis:
- Vous êtes moins souvent à l’horaire ou vous avez de moins bons quarts de travail.
- Les gens cessent de vous faire des faveurs et de bien vous traiter.
- Vous commencez à vous faire exclure socialement par vos collègues.
- Les gens commencent à vous cacher l’information dont vous avez besoin pour faire votre travail.
- Vous commencez à vous faire dire que c’est difficile de travailler avec vous.
- Vous avez une mauvaise évaluation de rendement.
- Vous êtes officiellement réprimandé ou congédié.
Que faire si vous êtes puni
Ça dépend de qui vous punit.
Punitions par votre boss
Si vous êtes puni par votre boss ou une personne en position d’autorité à votre travail, ça pourrait être considéré comme des représailles sur le plan légal.
« Représailles » est un terme juridique utilisé pour décrire une action ou une menace visant à punir quelqu’un qui défend ses droits. Dans le cas du harcèlement sexuel, cela signifie que vous vous êtes plaint du harcèlement et que vous êtes puni à cause de votre plainte.
Si vous répondez oui à l’une de ces questions, vous pourriez faire l’objet de représailles:
- Vos tâches ont-elles changé?
- Est-ce que vos évaluations de rendement étaient généralement positives avant le harcèlement et sont maintenant généralement négatives?
- Est-ce que votre salaire ou vos heures de travail ont diminué?
- Avez-vous été rétrogradé?
- Faites-vous l’objet de plus de mesures disciplinaires qu’avant votre plainte?
- Est-ce que votre gestionnaire ou superviseur se comporte différemment avec vous?
- Est-ce qu’on vous refuse des possibilités, comme une promotion ou une formation?
- Est-ce qu’une personne en position d’autorité a fait des commentaires qui vous ont fait sentir qu’elle était fâchée par votre plainte?
- Avez-vous fait l’objet de mesures disciplinaires ou été congédié en raison de votre plainte?
Au Canada, les représailles sont illégales. C’est pourquoi il est important de savoir si vous subissez des représailles ou juste une punition ordinaire. Si votre employeur vous congédie parce que vous êtes toujours en retard, il ne s’agit pas de représailles et la loi ne va pas vous protéger. Si un employeur vous congédie parce que vous vous êtes plaint de harcèlement sexuel, il s’agit de représailles. C’est illégal, et la loi est de votre côté.
Habituellement, il n’est pas difficile de prouver que les représailles ont eu lieu. Ce qui est difficile, c’est de prouver qu’elles ont eu lieu parce que vous vous êtes plaint. Si vous envisagez de faire valoir que vous subissez des représailles, c’est important de recueillir le plus de preuves et de documents possible établissant un lien entre la punition et votre plainte.
Où signaler les représailles
Les organismes de protection des droits de la personne s’occupent des cas de représailles. Il en va de même des commissions des relations de travail et des tribunaux civils. Si vous êtes syndiqué et que vous avez déposé un grief, les représailles peuvent être ajoutées au grief et être traitées en même temps.
Si vous commencez à subir des représailles après avoir ouvert un dossier, ou même après que le cas a été tranché, cela ne veut pas nécessairement dire qu’il est trop tard pour les inclure dans votre dossier. Parlez immédiatement à votre avocat, à votre représentant syndical ou au personnel du syndicat. Ils peuvent vous aider à ajouter des éléments de preuve au sujet des représailles afin que tout soit traité ensemble.
Si vous n’avez pas encore ouvert de dossier de harcèlement sexuel ou si vous avez parlé du harcèlement à votre employeur et que vous avez ensuite commencé à être puni, l’organisme de protection des droits de la personne est un bon point de départ.
Que pouvez-vous faire d’autre?
- Si vous êtes membre d’un syndicat, vous pouvez lui demander de présenter un grief contre votre employeur.
- Si vous n’êtes pas membre d’un syndicat, vous pouvez intenter une poursuite civile contre votre employeur en disant que vous avez subi de la souffrance mentale, un congédiement injustifié ou un congédiement déguisé. (Les membres d’un syndicat ne peuvent intenter des poursuites civiles qu’après avoir suivi le processus de grief et d’arbitrage.)
- Si vous êtes un travailleur sous réglementation fédérale, le Code canadien du travail s’applique à vos lieux de travail et les plaintes en matière de représailles vont au Conseil canadien des relations industrielles. Pour obtenir des renseignements sur les milieux de travail sous réglementation fédérale.
- Autrement, où et comment vous pouvez faire appel au sujet des représailles dépend de l’endroit où vous vivez.
La plupart de ces démarches sont longues et coûteuses, et il n’y a aucune garantie de succès.
Punitions par vos collègues
Si vous êtes puni par vos collègues, ça pourrait ou non être considéré comme des représailles sur le plan légal. Si un boss ou une autre personne qui a de l’autorité sur vous a un certain contrôle sur la situation, ce sont des représailles. Si ce n’est pas le cas, ce ne sont pas des représailles.
Ça ne veut pas dire que le fait d’être puni par ses collègues ne cause pas de tort. Ça peut certainement causer du tort. Ça signifie juste que ce n’est pas considéré comme des représailles sur le plan légal, ce qui veut dire que votre employeur ne peut pas être tenu responsable.
Voici quelques façons courantes dont les collègues punissent les gens:
- Ils vous excluent des rencontres sociales.
- Ils refusent de vous parler.
- Ils parlent de vous négativement aux autres.
- Ils vous excluent des échanges de courriels ou de textos.
- Ils ne vous aident pas à accomplir vos tâches, ou ils s’arrangent pour que vous n’arriviez pas à les faire.
- Ils ne vous aident pas si vous êtes dans une situation dangereuse.
- Ils vous jouent des tours méchants ou vous font des « blagues » offensantes à vos dépens.
- Ils utilisent des insultes pour vous décrire.
- Ils vous menacent ou vous intimident, verbalement ou physiquement.
- Ils endommagent vos biens personnels.
Si c’est assez grave, votre milieu de travail pourrait être qualifié de « toxique ». C’est un terme juridique.
Il n’existe pas de définition juridique unique d’un milieu de travail toxique. Mais en général, on considère qu’il s’agit d’un milieu de travail où il y a tellement de harcèlement et d’abus qu’une personne raisonnable trouverait intolérable d’y travailler.
Il peut être difficile de déterminer si votre lieu de travail est toxique. Il y a beaucoup de mauvais lieux de travail, mais ils ne sont pas tous toxiques.
Ce n’est pas nécessairement un milieu de travail toxique si:
- Les gens ne vous aiment pas.
- Les gens ne sont pas gentils avec vous.
- Les gens vous ignorent.
- Les gens jouent beaucoup de tours et racontent des blagues vulgaires.
- Les gens compliquent votre travail.
Mais il peut s’agir d’un lieu de travail toxique, surtout si:
- On vous harcèle tout le temps.
- Vous vous sentez en danger ou menacé.
- Toute personne raisonnable trouverait ce qui vous arrive intolérable.
- Votre employeur est au courant et ne fait rien pour y mettre fin.
Il y a une distinction importante entre un milieu de travail « toxique » et un milieu de travail « pourri ». Dans un milieu de travail toxique, vous êtes personnellement mal traité. Dans un milieu de travail pourri, le harcèlement sexuel ne touche pas seulement une ou deux personnes, mais crée un environnement pourri en sexualisant le milieu de travail pour tout le monde. Tout le monde est touché. Si vous tentez de prouver que vous subissez des représailles parce que vous vous êtes plaint d’avoir été harcelé sexuellement, vous pouvez montrer des preuves que votre lieu de travail est devenu toxique pour vous ou vous pouvez aussi montrer comment la situation a pourri le milieu de travail pour tout le monde. Ou les deux.
Si tout ça semble compliqué, c’est parce que ça l’est! C’est pourquoi nous vous conseillons de vous adresser à un avocat si vous le pouvez.
Comment et où obtenir de l’aide
Votre employeur a l’obligation légale de vous offrir un environnement sans harcèlement. Si votre milieu de travail devient toxique au point d’être intolérable, il y a des endroits où vous pouvez obtenir de l’aide.
- Premièrement, vous pouvez le signaler à votre employeur ou à votre syndicat et lui rappeler ses obligations. S’ils ne règlent pas le problème, cela pourrait contrevenir aux lois sur la santé et la sécurité.
- Si vous êtes membre d’un syndicat, vous pouvez lui demander de présenter un grief contre votre employeur.
- Vous pouvez déposer une plainte au Tribunal des droits de la personne en disant que votre employeur ne vous a pas protégé contre le harcèlement, permettant ainsi que vos droits de la personne soient violés. Si vous avez déjà déposé une plainte en matière de droits de la personne, vous pouvez ajouter l’impact des représailles à votre plainte auprès de l’organisme des droits de la personne.
- Si vous n’êtes pas membre d’un syndicat, vous pouvez intenter une poursuite civile contre votre employeur en disant que vous avez vécu un congédiement déguisé parce que le fait que votre employeur ne vous a pas protégé contre le harcèlement équivaut à un changement fondamental de votre contrat d’emploi. Si vous envisagez cette option, consultez d’abord un avocat.