Après avoir vécu du harcèlement sexuel, c’est compréhensible que vous vous sentiez en colère.
La colère, c’est votre corps et votre esprit qui vous disent que quelque chose ne va pas. Et c’est vrai. Le harcèlement sexuel que vous avez vécu et les difficultés qui ont suivi sont inacceptables et injustes.
La colère n’est ni positive ni négative. Ce n’est pas bien ou mal de ressentir de la colère. C’est plutôt un signal que vous n’êtes pas d’accord avec quelque chose qui se passe. C’est tout à fait logique comme réaction au harcèlement sexuel.
En plus de ressentir de la colère envers la personne qui vous a harcelé sexuellement, vous pourriez aussi être en colère contre d’autres personnes comme votre employeur, vos collègues ou l’entreprise pour laquelle vous travaillez. Vous pourriez être en colère contre votre communauté, les médias ou le système judiciaire pour avoir cru le harceleur au lieu de vous. Mais il peut arriver que vous soyez aussi fâché contre vous-même et que vous vous blâmez pour ce qui s’est passé.
La colère survient lorsque nous ressentons le besoin de nous protéger. Il peut y avoir beaucoup d’autres émotions complexes cachées derrière notre colère, comme la déception, la souffrance, la solitude, l’incompréhension, la peur, l’embarras, l’inquiétude, la honte, la culpabilité ou la tristesse. Parfois, surtout si nous nous croyons forts, il peut être plus facile de se mettre en colère que de ressentir ces autres émotions.
Il est possible d’avoir une colère mal orientée, lorsque la personne ou la chose qui vous fâche n’est pas la véritable raison de votre douleur. Le plus souvent, les personnes qui sont la cible de notre colère mal orientée sont celles avec lesquelles nous nous sentons le plus à l’aise pour faire ça. Donc, si vous ne vous sentez pas en sécurité au travail, vous pourriez vous retrouver à hurler contre les personnes à la maison. Si vous avez un être cher qui est toujours là pour vous, vous pourriez être en colère contre lui. Ça arrive parce que vous savez qu’il vous appuiera ou vous pardonnera. C’est important de prendre conscience de ça lorsque ça se produit pour que vous puissiez arrêter de passer votre colère sur la mauvaise personne.
Comprendre votre colère
Voici certaines choses que vous pourriez penser lorsque vous êtes en colère:
- Comment ont-ils pu me faire ça?
- Les gens me feront toujours du mal!
- Je les déteste!
- Pourquoi leur ai-je fait confiance?
- Le système est pourri; il n’aide que les riches et ceux qui ont du pouvoir.
- C’est quoi son problème?
- Qu’est-ce qui ne va pas avec moi?
- Personne ne m’aide!
- Ce sont tous des idiots!
- Ce n’est pas juste!
- Je veux frapper quelqu’un!
- Les gens veulent ma peau.
Ces pensées sont tout à fait compréhensibles. C’est logique de se sentir humilié par le harcèlement sexuel et d’être furieux.
Il y a beaucoup de façons de montrer (ou de ne pas montrer) notre colère. Habituellement, elles représentent ce que nous avons appris par rapport à la colère.
Quand vous étiez enfant, vous a-t-on appris que c’était mal d’être en colère? Les adultes de votre vie ont-ils ignoré leur colère et prétendu que tout allait bien? Pensiez-vous que vous deviez exploser et vous déchaîner pour être pris au sérieux? Vous a-t-on appris que les gens puissants se sentent en colère et que les gens faibles se sentent tristes? Le fait d’être conscient de ces leçons peut vous aider à déterminer les modèles que vous voulez continuer à suivre et quels changements vous voulez apporter.
La vérité, c’est que la colère ne fait pas du bien. Elle est conçue pour être inconfortable parce que c’est la façon dont notre corps nous pousse à nous protéger d’une façon ou d’une autre. Comme c’est inconfortable, nous voulons souvent nous éloigner le plus rapidement possible de la colère. C’est pourquoi vous pourriez vouloir prendre un moment avant de réagir. Mais n’oubliez pas que ce n’est pas la même chose que de refouler la colère à l’intérieur de vous. C’est important de ne pas ignorer votre colère—elle vous dit quelque chose et elle a besoin de votre attention.
Bien que votre colère soit justifiée, vous pourriez être fâché contre vous-même parce que vous vous sentez ainsi. Eh oui—vous pouvez être fâché contre vous-même parce que vous êtes fâché! Souvent, les autres nous disent ou nous nous disons nous-mêmes de ne pas nous mettre en colère ou que c’est mal de faire ça. La colère peut être très inconfortable. Malgré ça, il n’y a rien de mal à être en colère, à condition de rester en sécurité et de ne pas vous blesser ou blesser les autres.
Il y a des gens qui ne se sentent jamais en colère, alors que d’autres se sentent toujours en colère. Si vous ressentez rarement de la colère, ça peut aider de vous donner la permission de reconnaître et d’exprimer votre colère, et de connecter avec elle. Cependant, si vous vous sentez toujours en colère, il y a de fortes chances que vous soyez aussi quelqu’un qui ressent beaucoup de douleur. La colère est le plus souvent le résultat de trois choses:
- vous vous sentez blessé
- vos attentes ne sont pas satisfaites
- vos besoins ne sont pas satisfaits
Si vous êtes « toujours » en colère, il y a des chances pour que ces trois expériences vous soient familières.
Gérer votre colère peut prendre du temps. Ça peut vous obliger à modifier votre point de vue sur ce que vous savez des autres et sur la façon dont les choses fonctionnent.
Parfois, la colère que vous ressentez envers la personne qui vous a harcelé sexuellement est masquée par des sentiments de trahison #449 à cause de la façon dont les gens vers qui vous vous tournez pour obtenir du soutien vous laissent tomber. Ne pas avoir quelqu’un pour comprendre et vous aider peut être ressenti comme la trahison ultime. Si c’est ce que vous avez vécu, c’est logique que vos sentiments de colère et de trahison soient forts.
Ce qui peut aider
- Essayez de ne pas juger vos sentiments comme étant « bons » ou « mauvais ». Essayez plutôt d’être conscient de ce que votre colère vous dit.
- Si vous vous sentez frustré, accordez-vous du temps pour vous calmer. Si possible, prenez du temps pour vous éloigner de la situation, allez prendre une marche, écoutez de la musique ou parlez à un ami proche. Prenez plus que quelques minutes pour faire ça—ça peut prendre de 20 à 45 minutes pour commencer à se calmer après avoir été en colère. Essayez de vous donner ce temps.
- Prêtez attention aux premiers signes de colère (comme une mâchoire serrée ou la sensation d’avoir plus chaud). Quand vous les reconnaissez plus tôt, vous êtes mieux en mesure de régler les choses avant d’être vraiment en colère. Néanmoins, la colère peut arriver très rapidement. Si vous ressentez soudainement une colère très grande, rappelez-vous que votre but à ce moment-là est de vous calmer. Si vous arrivez à faire baisser un peu votre colère, ça vous permettra de réfléchir plus clairement. Ensuite, vous pourrez voir ce dont vous avez besoin.
- Demandez-vous quelles autres émotions vous ressentez en plus de la colère. Souvent, ces émotions vous aident à comprendre les besoins qui ne sont pas satisfaits. Se sentir incompris montre que vous avez besoin de compréhension. Avoir peur signifie que vous avez besoin d’être rassuré et en sécurité. Se sentir seul signifie que vous avez besoin d’un contact humain.
- Faites attention à ne pas tomber dans le « je devrais »—ces pensées que vous avez sur la façon dont vous devriez vous sentir, penser ou agir. Ça signifie que vous vous jugez par rapport à l’idée (fausse!) qu’il y a une « bonne » façon d’être.
Il faut savoir reconnaître la différence entre une colère saine et une colère destructrice. Il n’est jamais mal de ressentir l’émotion de la colère, mais nos actions quand nous sommes en colère peuvent autant nous aider que causer davantage de douleur et de souffrance.
- Accordez-vous l’espace et le temps nécessaires pour ressentir votre colère, votre sentiment de trahison et votre douleur. Parler à quelqu’un qui comprend et qui ne porte pas de jugement peut aider. Si vous faites ça, assurez-vous de préciser quand vous voulez du soutien émotionnel et quand vous voulez des solutions. La plupart du temps, les gens supposent que vous voulez qu’ils fassent des suggestions ou qu’ils trouvent un moyen de changer rapidement ce que vous ressentez. Toutefois, en réalité, il est plus commun de simplement vouloir être entendu et compris. Voici l’auteure Brené Brown vidéo sur la différence entre la sympathie et l’empathie.
- La colère peut aussi être un signal d’alarme utile indiquant que quelque chose est mal ou injuste, ce qui peut nous motiver à demander justice d’une façon ou d’une autre. Vous pouvez décider de signaler le harcèlement ou d’entreprendre une action en justice même si vous n’êtes pas certain de ce qui en découlera. Alors, documentez tout depuis le tout début même si vous ne pensez pas que vous allez l’utiliser pour quoi que ce soit.