La première chose que devez savoir, c’est que beaucoup de personnes se blâment elles-mêmes. Et ça peut être mélangeant. Parce que même si on sait rationnellement que le harcèlement n’était pas de notre faute, on peut quand même se sentir comme si c’était le cas émotionnellement.
Si vous vous blâmez vous-même, voici le genre de choses que vous pouvez penser:
- C’est de ma faute si c’est arrivé.
- Je dois avoir dit ou fait quelque chose qui lui a donné l’impression que j’étais à l’aise avec ça.
- Il doit y avoir quelque chose qui cloche chez moi parce que c’est moi qu’il a choisi.
- Les gens sentent qu’il y a quelque chose chez moi qui fait en sorte que ce n’est pas dangereux pour eux de me harceler.
- C’est de ma faute parce que ça m’est déjà arrivé avant.
- J’aurais dû me méfier.
- Si je (n’étais pas resté si tard/n’avais pas ri lorsqu’il racontait ses blagues/ne m’étais pas habillé de cette façon), rien de cela ne serait arrivé.
Ce genre de pensées peut vous faire ressentir de l’embarras, de la culpabilité, de la colère envers vous-même ou de la honte. Nous voulons toutefois être clairs: vous ne méritiez pas d’être harcelé sexuellement. C’est un fait, peu importe ce que vous portez, ce dont vous avez l’air, combien d’argent vous gagnez, l’endroit où vous travaillez, ce que vous faites ou quoi que ce soit d’autre.
Vous ne méritiez pas ce qui vous est arrivé. Ce n’était pas de votre faute.
Malgré tout, il arrive qu’on se blâme soi-même. Pour passer par-dessus ça, ça peut aider de comprendre pourquoi on fait ça.
Ce n’est pas de votre faute
Il est commun de se demander ce que l’on a bien pu faire pour provoquer le harcèlement sexuel.
La vérité, c’est que la personne qui vous a harcelé allait probablement harceler quelqu’un.Il est très rare qu’une personne ne harcèle sexuellement qu’une personne, une seule fois. Cette personne a probablement harcelé d’autres gens avant vous, et elle harcèlera probablement d’autres gens dans le futur.
Il est très important de comprendre qu’il n’y a rien de particulier à propos de vous qui a provoqué le harcèlement.
Le harcèlement sexuel est incroyablement commun, et toutes sortes de personnes sont harcelées. Les plus jeunes comme les plus vieux. Les personnes qui s’habillent modestement et celles qui ne le font pas. Les personnes considérées attirantes et les personnes qui ne le sont pas. Les personnes religieuses et les personnes qui ne le sont pas. Les personnes qui se comportent selon les attentes de la société et les personnes qui ne le font pas.
Sérieusement: ça n’a rien à voir avec vous. Ça n’a rien à voir avec qui vous êtes et ce que vous avez fait.
C’est facile à dire, mais pour beaucoup d’entre nous, ça peut prendre du temps avant de vraiment l’accepter. Continuez à lire pour comprendre certaines des raisons pour lesquelles on se blâme.
Vous ne pouvez pas contrôler les autres
Après avoir vécu une expérience blessante, votre cerveau cherche des façons d’empêcher l’événement de se reproduire. Même lorsque c’est quelque chose que vous ne pouvez pas contrôler, comme quelque chose qu’une autre personne fait, votre cerveau cherche des façons de vous protéger.
Vous pourriez penser des choses comme celle-ci: « Si je peux trouver ce que j’ai fait pour provoquer ça, alors je pourrai éviter de le faire et cette horrible chose ne se reproduira pas. »
Imaginez que vous trébuchez et que vous vous blessez. Vous passerez peut-être en revue ce que vous faisiez avant. Disons que vous réalisez que vous courriez, ou que vous ne regardiez pas où vous alliez lorsque vous êtes tombé et c’est ce qui a provoqué votre chute. À l’avenir, vous ralentirez et regarderez plus attentivement où vous mettez les pieds afin de ne pas trébucher de nouveau.
Mais vous ne contrôlez pas toujours les choses. Être harcelé sexuellement ressemble moins au fait d’avoir couru et trébuché, et plus au fait d’avoir été poussé par quelqu’un. Si vous réfléchissez à ce que vous avez fait ou ce que vous n’avez pas fait, ça ne vous aidera pas vraiment à empêcher le harcèlement de se reproduire.
Ce n’est pas quelque chose que vous avez fait
Vous avez peut-être déjà sorti avec la personne, ou flirté avec elle ou eu des relations sexuelles avec elle. Peut-être que vous saviez ou soupçonniez que la personne avait déjà eu des comportements inappropriés avec les autres. Peut-être que vous aviez toujours admiré cette personne, que vous la considériez comme un ami ou un mentor, ou comme quelqu’un qui vous a beaucoup aidé par le passé. Peut-être ça s’est produit plus qu’une fois.
Peut-être que lorsque c’est arrivé, vous ne saviez pas comment réagir et vous n’avez rien dit. Peut-être qu’après que ça soit arrivé, vous avez été trop gentil avec la personne ou vous lui avez assuré que ce n’était pas grave. Peut-être que la personne en question ne correspond pas à l’image qu’on se fait d’un harceleur: elle est une femme ou quelqu’un de très respecté dans la société ou quelqu’un de plus attirant que vous ou quelqu’un de plus petit que vous physiquement. Alors, vous ou les autres avez de la difficulté à croire que cette personne puisse vous faire du mal. Peut-être que vous aimez beaucoup cette personne pour d’autres raisons et que vous avez de la difficulté à la voir comme quelqu’un qui vous a blessé.
C’est important de savoir qu’il n’est pas inhabituel que la situation semble compliquée — en fait, c’est ce qui est le plus commun. La majorité des cas de harcèlement sexuel impliquent une quelconque complication.
Souvent, la personne qui vous harcèle sexuellement utilise ces complications pour semer la confusion dans votre esprit, pour nier ce qui est arrivé ou pour se convaincre elle-même ou pour convaincre les autres que ce qu’elle a fait était correct.
Mais la vérité, c’est qu’elle vous a harcelé.
Pourquoi parfois les gens ne vous croient pas
Il est possible qu’après avoir vécu du harcèlement sexuel, quelqu’un à qui vous racontez l’incident minimise, banalise ou refuse carrément de croire ce que vous lui dites.
La personne à qui vous vous confiez pourrait vous demander ce que vous avez fait, ce que vous portiez ou comment vous avez réagi, laissant entendre que c’est en quelque sorte de votre faute. Il peut alors être encore plus difficile de ne pas se sentir responsable.
Pourquoi les gens vous remettent-ils en question ou refusent-ils de vous croire? Il peut y avoir beaucoup de raisons.
- Ils pourraient être surpris ou sous le choc.
- Ils pourraient être incapables de concevoir que vous avez été blessé.
- Ils pourraient être incapables de concevoir qu’une personne qu’ils respectent ou en qui ils ont confiance puisse harceler une autre personne.
- Ils pourraient vouloir protéger la personne qui vous a harcelé ou l’entreprise pour laquelle vous travaillez.
- Ils pourraient avoir des idées préconçues sur ce qui compte (ou ne compte pas) comme du harcèlement sexuel. Par exemple, ils pourraient présumer que ça peut seulement compter si le harceleur a été violent physiquement.
- Ils pourraient penser que vous avez fait quelque chose pour provoquer le harcèlement ou que vous le méritiez.
On parvient tranquillement à modifier ce genre de réactions, mais l’impression qu’il est possible d’éviter le harcèlement sexuel demeure forte.
Cette vidéo permet d’illustrer à quel point vous avez tort de vous blâmer vous-même au lieu de la personne qui vous a harcelé sexuellement.
Ce qui peut aider
- Il peut être bénéfique de comprendre pourquoi le cerveau continue de répéter (encore et encore) les raisons qui nous poussent à croire que c’est de notre faute. Souvenez-vous que, même lorsque votre cerveau parvient à identifier quelque chose que vous auriez pu faire différemment, ce n’est pas la même chose qu’être la personne qui a causé le harcèlement.
- Souvenez-vous qu’au moment du harcèlement, vous ne saviez peut-être pas tout ce que vous savez maintenant. Même s’il y a des choses que vous feriez différemment aujourd’hui, vous n’aviez probablement pas toute l’information nécessaire pour savoir quoi faire ou ne pas faire lorsque le harcèlement s’est produit.
- Posez-vous la question suivante: « Comment me sentirais-je si un ami proche se trouvait à ma place? » Blâmeriez-vous autant votre ami? Ou seriez-vous plus patient et protecteur? La plupart des gens ont plus de facilité à se montrer compatissant à l’égard d’un ami qu’envers eux-mêmes. Pour les mêmes raisons pour lesquelles vous ne blâmeriez pas un ami d’avoir été harcelé sexuellement, vous ne méritez pas ce blâme.
- Souvenez-vous que le harcèlement que vous avez subi ne vous définit pas et qu’il n’affecte pas votre valeur. C’est quelque chose qui vous est arrivé. C’est quelque chose qui peut avoir un gros impact sur vous. Mais ce n’est pas de votre faute. Le harcèlement sexuel est entièrement de la faute de la personne qui vous a harcelé.
- Discutez avec une personne compatissante et encourageante. Expliquez-lui que vous avez l’impression d’être blâmé lorsqu’on vous pose certaines questions, et dites-lui clairement ce qu’elle peut faire pour vous soutenir. Souvent, on a juste besoin de quelqu’un qui saura écouter et faire l’effort de comprendre. Si c’est difficile de trouver quelqu’un dans votre vie qui est capable de faire ça, envisagez la possibilité de parler avec un thérapeute ou un travailleur de la santé qui a de l’expérience avec les personnes qui ont subi du harcèlement sexuel. Si c’est difficile d’avoir accès à de l’aide professionnelle, songez à appeler une ligne d’aide.