À part les hommes qui me coupent la parole ou qui disent que je ne sais pas de quoi je parle, je n’avais jamais subi ouvertement du harcèlement jusqu’à un incident qui s’est produit à la fin de l’été 2021. J’ai commencé à travailler dans un magasin d’antiquités en octobre 2020 pour subvenir à mes besoins tout en allant à l’école.
Nous avons des lampes qui pendent au plafond et il faut monter sur un escabeau pour les atteindre. Ma boss et moi étions seules dans le magasin à ce moment-là. Un homme, qui semblait être dans la fin cinquantaine, est rentré et a voulu voir une des lampes. J’ai dit: « Pas de problème, laissez-moi aller chercher un escabeau et la descendre pour que vous puissiez la regarder de plus près. » Ma boss était devant moi pour m’aider. J’ai commencé à débrancher la lampe et à la retirer de la chaîne. Je n’étais qu’à la deuxième marche de l’escabeau, donc la hauteur n’était pas un problème, et ma boss était là pour prendre la lampe. Le client a dit: « Je vais venir derrière toi pour t’aider », et je n’avais pas de problème avec ça au début.
Alors que je descendais la lampe et que je la déposais entre les mains de ma boss, j’ai senti qu’il mettait ses deux mains sur ma taille. Je n’arrêtais pas de dire: « C’est correct, c’est correct, je peux gérer ça. » Il a quand même laissé ses mains sur moi. L’homme m’a lâchée seulement quand j’ai eu les deux pieds sur le sol et que la lampe était hors de mes mains.
Je me suis sentie mal à l’aise. Même si je savais qu’il avait de bonnes intentions, je pensais qu’il aurait arrêté quand je lui ai dit que c’était correct. J’ai dit à ma boss que j’étais mal à l’aise et elle a répondu en disant : « Il essayait seulement d’aider. » Je ne me suis pas sentie soutenue et j’ai cru que j’exagérais. Pourtant, ce petit incident s’est gravé dans mon esprit et je crois toujours qu’il n’avait pas besoin de mettre ses mains sur moi. J’ai eu l’impression de ne pas avoir le contrôle de mon corps. Même si cela peut, faute d’un meilleur mot, être considéré comme du harcèlement sexuel, j’ai l’impression que faire quelque chose à ce sujet serait accueilli avec indifférence parce que ce n’est pas un problème assez important, ou que je fais tout un plat avec rien.
En gros, j’ai d’autres chats à fouetter, donc je n’ai rien fait et j’ai continué ma vie. Je ne dirais pas que c’est une expérience traumatisante, mais je ne me sens pas indifférente; je suis quand même fâchée que ce soit arrivé. Ça me met en colère que quelqu’un pense que mettre ses mains sur moi sans demander ou après que je lui ai dit d’arrêter était correct.
Le fait que cela arrive à beaucoup d’autres personnes tout le temps est également horrible. Le fait que ce ne sera pas la dernière fois que quelque chose comme ça arrive me vient à l’esprit parfois. Si je pouvais quitter un emploi ou une carrière où je dois être en présence de personnes qui ne me voient pas comme un être humain à part entière sans conséquences financières, ce serait formidable. Mais je sais aussi que, même si je quitte de ce domaine d’activité, ça ne veut pas dire que ça arrête d’exister. Partout où je vais dans ma carrière, ce type de harcèlement peut prendre différentes formes, mais au final, je dois accepter que c’est la réalité et décider quelle action je veux prendre plus tard.