Chaque jour, il y avait du harcèlement, mais il y a eu quelques incidents marquants dont je me souviens. Le pire d’entre eux est celui où mon collègue m’a attrapée par derrière, m’a soulevée, et m’a ensuite fait tourner. J’étais tellement choquée. Je n’avais jamais vu quelqu’un faire quelque chose comme ça dans un lieu de travail. Je me sentais minable. Après cela, j’ai constamment essayé de l’éviter, ou du moins, d’éviter d’être seule avec lui. Ils ont dit qu’il essayait simplement d’être mon ami.
Finalement, j’ai décidé de présenter un grief aux ressources humaines et au syndicat qui nous représentait, et nous avons eu une réunion. J’ai demandé à être protégée et j’ai refusé de travailler avec lui. Mais ce qui s’est passé était pire que le harcèlement sexuel lui-même. Au bout de deux heures, les RH n’ont proposé aucune entente de travail temporaire. Au lieu de cela, le chef d’équipe, mon boss, m’a ordonné de travailler seule avec le harceleur sexuel.
Quand ils l’ont transféré à mon lieu de travail, j’ai craqué peu après. Je suis allée au centre de traitement d’urgence psychiatrique quelques jours plus tard, et j’y suis restée pendant deux semaines entières. J’ai été hospitalisée de nouveau dans les trois mois qui ont suivi.
Pendant ce temps, le directeur du syndicat m’envoyait des courriels avec des blagues vulgaires. L’une d’elles présentait une femme plus âgée et peu habillée ainsi qu’un jeune homme sexy, nu, représenté jusqu’au bas-ventre. Le message disait qu’elle « s’était rendue au premier Holiday Inn », parce qu’« elle est juste vieille, pas morte!!! » Je me suis sentie humiliée et intimidée, mais je n’étais pas assez forte pour protester. Il m’a ensuite envoyé un autre courriel le premier jour du Nouvel An chinois. Il y avait deux blagues. L’une disait: « Les designers ont inventé un nouveau soutien-gorge pour les femmes d’âge moyen. Ils l’ont appelé le “chien de berger”, car il les rassemble et les oriente dans la bonne direction. »
Au début, il a nié avoir envoyé ces courriels. Plus tard, il a admis les avoir envoyés, disant qu’il essayait de me remonter le moral.
En février 2014, j’ai déposé une plainte pour harcèlement sexuel au Tribunal des droits de la personne.
J’ai commencé à souffrir d’un problème cardiaque à cause des médicaments psychiatriques. Mon médecin m’a dit qu’en raison de mon problème cardiaque, je devais faire attention. Il n’y a pas d’autres options de médicaments pour moi, donc il m’a conseillé d’éviter le sujet autant que possible pour éviter le stress. J’ai donc arrêté de m’occuper de la plainte relative aux droits de la personne jusqu’à ce que je me sente à l’aise, puis je suis retournée au tribunal et j’ai dit que je voulais poursuivre ma demande. Mais je n’ai réalisé qu’à ce moment-là que j’avais manqué la date limite.
J’avais des idées suicidaires, mais tout le monde me disait que j’exagérais.
Ce que notre gouvernement dit et tout ce que nous faisons, c’est contre le harcèlement sexuel au travail, mais tout le monde s’en fout. C’est un problème que nous devons résoudre de manière systémique. L’industrie des technologies n’est pas souvent mentionnée dans les discussions sur le harcèlement sexuel. Les femmes ne sont pas bien traitées, et peu importe que vous soyez compétente ou non, on ne vous prend pas au sérieux, ça, c’est certain.
Pendant les 10 premières années, j’étais en congé d’invalidité de longue durée. Toutefois, j’ai été placée en congé de maladie non rémunéré en 2019. J’ai encore besoin de vivre, j’ai des frais de subsistance, et je dois maintenant payer des frais judiciaires en plus de ça.
Je ne suis jamais retournée au travail. Je n’ai aucun revenu. Mais, le pire, c’est que personne n’a entendu mon cas.